Parce que l’électricité n’est pas stockable, le réseau électrique doit en permanence être équilibré entre l’offre et la demande. L’arrivée des énergies renouvelables (ENR) rend plus complexe le maintien de cet équilibre. La flexibilité devient le maître-mot et les réseaux gagnent en intelligence. C’est sous ce leitmotiv que se développe le projet Smile (Smart Ideas to Link Energies) en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Lauréat en mars 2016 de l’appel à projets national Nouvelle France industrielle, Smile vise le développement d’un réseau de smart grids à grande échelle sur la période 2017 à 2020.
En 2010, la Bretagne produisait 8% de son énergie, 15% en 2017 dont plus de 80% étaient des ENR. Elle a pour objectif d’atteindre 30% à 35% d’ENR locales en 2030 afin de “prévenir tout black out énergétique”, indique Maximilien Le Menn, en charge du projet Smile à la région Bretagne.
Un accompagnement de longue haleine
L’objectif de Smile est ainsi d’intégrer massivement les énergies renouvelables dans le mix énergétique des deux régions en ajustant au mieux la production et la consommation. Smile identifie les structures qui pourraient porter des projets de smart grids, valorise les projets et expérimente leur business model. Enfin, il aide les porteurs de projets à impliquer les citoyens et à augmenter leur acceptabilité. A ce jour, 200 structures ont été identifiées par le programme pour mener un projet de smart grid. Quarante à 50 projets sont actuellement accompagnés et 22 ont été homologués.
Les projets sortent de terre
Ces projets recouvrent des thématiques diverses : plateformes de données, bâtiments intelligents, micro réseaux et autoconsommation, énergies renouvelables et flexibilité, mobilité décarbonée et îles intelligentes. Parmi les projets sortis de terre, la ville de Penestin (Morbihan) a inauguré en mars 2018 l’équipement d’autoconsommation collective Partagélec : 140 panneaux photovoltaïques d’une puissance de 40 KW vont produire de l’électricité qui sera redistribuée localement à 12 entreprises et 50 habitations situées dans les 500 mètres alentour. Autre projet ayant débuté : celui de l’Ile d’Ouessant dans le Finistère. La transition énergétique de l’île se traduit par le raccordement d’une hydrolienne, d’une centrale photovoltaïque et l’installation d’un stockage d’électricité afin d’atteindre le 100% de renouvelable d’ici 2030.
Attractif aussi pour des entreprises étrangères
Dans la cadre de SMILE, le constructeur automobile japonais Honda va tester son nouveau système Honda Power Manager, un système de transfert d’énergie bi-directionnel entre le réseau électrique, la maison ou le véhicule. Il doit permettre à l’automobiliste d’être consommateur et contributeur du réseau dans un contexte où les véhicules de demain pourront communiquer avec le réseau électrique intelligent (les smart grids) ou les mini-réseaux domestiques grâce aux panneaux solaires et mini-éoliennes, en lien avec des batteries de stockage. Des “power managers” seront ainsi utilisés avec des panneaux solaires pour créer des réseaux intelligents afin de recharger des véhicules, alimenter les infrastructures ou réinjecter de l’énergie dans le réseau en cas de besoin.
La Région Bretagne et l’industriel allemand Enercon ont signé un accord de partenariat dans le cadre du Pacte électrique (conclu entre la Bretagne, l’Etat et l’Ademe) qui prend aussi place dans SMILE. Ce partenariat porte sur la coopération en R&D afin de développer les générations futures d’éoliennes terrestres. Enercon participera également à la recherche de solutions de stockage et de gestion optimale de l’énergie.
Au niveau européen, des échanges de bonnes pratiques sont assurés dans le cadre du programme européen Set-Up. Cependant, la structure et les projets manquent encore de visibilité à l’international. Pourtant, une coopération avec d’autres régions européennes sur les projets permettrait d’accéder aux financements européens H2020 ou Interreg, qui pourraient contribuer jusqu’à 60% des budgets d’investissement. Car le programme n’ayant pas de budget propre, il faut trouver des financements. A ce jour, les projets ont récoltés 61M€, notamment grâce aux deux régions impliquées (3M€ chacune) et aux sociétés RTRE et Enedis (51M€). Les acteurs de Smile espèrent lever 280M€ pour financer l’ensemble du programme, cela grâce à 45% de fonds public et 55% d’investissements privés.
Sécurisation des données
Pour Smile, qui ambitionne de rayonner à l’international, il est nécessaire de travailler sur la sécurisation des données. D’autant plus que l’énergie est un sujet sensible. Pour cela un projet transverse a notamment été lancé : PRIDE (Plateforme Régionale d’Innovation pour les Données d’Energie), porté par Images et Réseaux et financé par l’ADEME, pour une durée de 36 mois. Il s’agit d’une plateforme logicielle cyber sécurisée pour la collecte, le traitement et la visualisation des données énergétiques. Elle permettra de mettre en réseau et de partager les données entre les divers projets, de façon sécurisée. Elle permettra aussi d’analyser les résultats des politiques énergétiques territoriales à différentes échelles pour démontrer l’intérêt des solutions et projets smart grids. En outre, elle contribuera aux standards européens et internationaux sur l’échange et la sécurisation des données dans le secteur de l’énergie.
Sources : Le Mag Numérique – 01/09/2017, smile-smartgrids.fr, Usine Digitale – 13/09/2017, Lettre API – 20/09/2017, La Tribune – 08/02/2018, Actu-environnement – 28/06/2018